L'intérêt de cet ouvrage n'est pas de savoir si la France de l'entre-deux-guerres a bien jugé ou bien compris le kémalisme et son chef. L'objet est
tout autre. L'auteure s'interroge sur une perception ce qui la détermine ce qui la fait fluctuer. La perception française est d'abord un miroir. En regardant la
Turquie les observateurs français y voient surtout leur propre pays ou plutôt l'idée qu'ils s'en font. Ce constat est valable pour les réformes de la première période républicaine la modernisation de la Turquie et son occidentalisation. Mais on comprend à la lecture du livre que cette identification va beaucoup plus loin et s'exprime par une fascination pour ce qu'il est convenu d'appeler le « bon dictateur » une figure qu'incarnerait le président de la république turque. La France
républicaine des années 1930 qui traverse une violente crise idéologique et est déchirée par ses divisions politiques part à la recherche de nouveaux repères. Cette quête se manifeste par des aspirations divergentes si ce n'est contradictoires. D'un côté pour sauver la république elle cherche en effet les moyens d'une démocratisation et d'une réforme sociale espoirs que portent la coalition de gauche du Front Populaire victorieuse aux élections de 1936. Mais elle cherche aussi un homme fort un sauveur de la nation un homme providentiel capable de rassembler. On a souvent tenté d'expliquer ce désir d'un père de la nation autoritaire et rassurant à la fois par la nostalgie monarchique qui hanterait ce pays révolutionnaire et régicide. Le grand mérite de cet ouvrage est de nous montrer comment cet archétype introuvable dans la France des années 1930 a été éperdument cherché non pas dans l'histoire mais dans le monde de l'époque.